vracs, vues, verbes











A la frontière P-1

Il n'y a ni fenêtre,ni porte dans cette pièce. D'ailleurs rien ne s'ouvre, en dehors du frigo. Aucun tiroir; pas d'armoire, les meubles sont disposés le long des quatre murs de couleur terreuse, alignés, une table avec un réchaud, une banquette basse, un frigo, un évier, une toilette. Sur la table, un verre, une assiette, des couverts pour une personne, un pendule, une serviette en tissus. En dehors de ces accessoires, la seule chose que je puisse déplacer est mon tabouret. Je passe du temps à le faire tenir en équilibre sur un pied, dans le creux de ma main ou ailleurs, sur mon front, mon coude, ma cuisse, partout l'empreinte circulaire du tube en métal. La pièce doit faire quatre mètres sur quatre, j'imagine même qu'elle a très précisément cette dimension, je ne sais pas pourquoi, au millimètre près. Au plafond, que j'estime à trois mètres, l'unique lampe, un dôme en verre dépoli qui doit être plus épais que la vitre d'un guichet de banque, Dieu sait si j'ai tenté de le briser, et je n'ai même pas réussi à le fendre. La lumière varie selon le cycle des jours et des nuits, je me suis même demandé si le dôme ne donnait pas directement sur le ciel, mais non, il diffuse une chaleur constante, et conserve, même la "nuit", une légère luminescence. Je dors sur la banquette, qui est recouverte d'un très fin matelas de mousse synthétique, et d'une couverture qui y est fixée sur toute la longueur du fond, et que j'ai failli mille fois arracher, mais à chaque fois je me retiens, je n'y vois pas d'autre utilité que de modifier cet environnement stérile et figé, et si je me lance dans cette entreprise je sais que je cours à l'échec, car à part cette couverture à arracher je ne vois rien que je puisse faire, la vaisselle est incassable, tout est incassable à part les denrées du frigo, j'y viendrai, mais là aussi je me retiens, plonger ces quarante-huit mètres cubes dans le chaos et la puanteur serait néfaste pour l'équilibre déjà tant mis à l'épreuve de mon esprit. La banquette est exactement à ma taille,et mes yeux se perdent chaque fois de longs moments dans la lueur opaline, avant de se fermer.

état des lieux





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parce qu'ailleurs peut-être
j'ai une présence
ailleurs je frappe peut-être du pied
pour que le sol me pénètre
qui sait si ailleurs
la verticale accrochait mon regard
si j'étais autre
autre que moi
s'il vous plait
trouvez-moi
un autre que moi
pour moi