des histoires sans liens, par moment




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comme quand j'ai pissé dans la neige

humilié,
je pue.

alors
je rentre
loin
en moi
insupportablement loin
jusqu'à ce que mes talons
soient dans ma gorge
et tout le reste avec

quelle amertume
a cette bouillie

la relativité restreinte expliquée à celui qui écoute les pas sur le trottoir

Tu la vois, la vague, là?
Je te raconte, attends.
Elle te déborde quand elle vient.
Chaque fois.
Elle te noie de peur et de bonheur pour un bref instant, et aussitôt qu'elle se retire, tu la regrettes.
Et tu l'attends.
Puis un jour, tu l'attends plus longtemps.
Alors toi, assis, tu l'attends, alors toi assis sur ton échelle tu l'attends encore, alors toi assis sur ton échelle humaine tu l'attends toujours et tu ne la vois pas revenir, comme une marée basse indéfinie.
Alors c'est que le monde s'est arrêté de tourner, forcément.
Alors ton monde s'arrête de tourner, forcément.
Et de ce monde, privé de sa gravité, tu tombes.
Tu tombes de ton monde.
Dans le vide.
Là, au milieu de nulle-part, tu croises le chamane.
Il te rappelle que toucher et être touché une fois par jour par quelqu'un qu'on aime est important pour la santé mentale.
Puis il s"éloigne.
Tu lui cries "Mais tu as vu où on est, là?". Ça le fait beaucoup rire, son visage grimace dans le lointain.
Peut-être portait-il un masque?

Espace, ton froid
Espace, ton creux

Alors tu écoutes les pas sur le trottoir, forcément.

mes balises sont des bouteilles à l'amer


 

ça ne mangeait pas de pain

° méfiance
° oui
° l’homme à tête d’oiseau est affublé d’un trop long cou pour être honnête
° il m’a dit qu’il m’aimait
° ah bon textuellement
° non mais c’est certain, et c’est louche
° son bec est affreux
° il doit puer
° il essaie sans doute de s’approcher
° il veut rentrer dans ma vie
° ses plumes doivent être gluantes
° et si c’était un masque
° c’est pas mieux quel hypocrisie
° on ne peut alors rien croire de ce qu’il couine
° donc il ne vous aime peut-être pas
° c’est impossible
° il aime c’est certain
° oh, c’est répugnant

effet de serre

cherche
une dent contre quelqu'un
un œuf à peler
un sac à vider
une main à mettre au feu
un pied dans le plat
un cheveu sorti de la soupe
une bouche pas cousue
des baisers mouillés
un cœur à tenir, pas à prendre
des échappées belles

portraits un peu volés




oeil fatigué, corps immobile, oeuf brouillé







(à la demande)

Bien. J’aimerais te parler un instant, c’est parfait, tu es assise de l’autre côté de la pelouse, et en plus tu me tournes le dos, il n’y a pas de grand risque que je te dérange, mais je vais quand même te parler à voix basse, pour être sûr, et je remuerai peu les lèvres, car cette dame à côté de moi me scrute le visage par-dessus son livre à l’eau de Cologne, elle veut me prendre en flagrant délit de déraison, alors que j’ai toutes les raisons du monde de te parler, mais comment pourrait elle comprendre qu’on puisse à ce point aimer une femme assise de l’autre côté d’une pelouse, et qui de surcroît vous tourne le dos ? C’est parce qu’elle ne voit pas que tu penches légèrement la tête, ce qui veut dire à l’évidence que tu entends le piano, ses notes retenues dans les aigus, ses résonances clairsemées qui vont si bien avec les bruits alentours, les sons en forme de passages, les pas, les cris d’enfants, les roues du vélo, tu entends la musique qui se dépose dans les interstices, et les quelques réponses graves qui te font baisser les yeux, et qui ramènent par vagues des mélancolies du passé. J’écoute avec toi ces accords suspendus, je cherche ta nuque à travers tes cheveux, je t’aime comme tu es assise là, oui, une jambe pliée, le coude sur le genou, la main sur la joue, dans des couleurs d’automne, comme cette musique, elle te va si bien, elle te va si bien, elle te va, tu baisses la tête à chaque note plus grave, et j’observe ta main gauche, elle dirige les aigus, elle dirige, c’est toi qui l’engendre, j’en suis certain à présent, j’entends cette musique depuis des jours, des semaines, des mois je ne sais plus, mais elle venait de toi, là encore les notes s’emballent un instant quand tu passes ta main dans les cheveux, cette musique qui me hante et que je n’arrivais pas à taire, elle vient de toi, tu baisses les yeux et encore une note grave, j’aurais pu errer des années sans te croiser, et devenir fou de ne pouvoir y mettre fin, devenir fou de ne pouvoir y mettre fin, devenir fou. Je ne remue plus les lèvres depuis quelques minutes, je reste ainsi, ainsi, invisible jusqu’à ce que la dame à l’œil scrutateur m’oublie dans son roman, puis je traverserai la pelouse, je traverserai, j’écouterai une dernière fois avec toi ces accords suspendus, et je chercherai ta nuque à travers tes cheveux noirs, jusqu’au silence, jusqu'au silence.


everywhere


















plus, ... , plus... .

Bonjour madame
Vous êtes toute déroutée?

Mais vous êtes toute belle
Toute entière
Toute de sombre et de lumière

Toute brisée, oui
Vous êtes toute sur l'onde
Les morceaux tous à la ronde

Vous êtes toute d'amour
Toute en cela imprégnée
Toute perdue, penchée

Toute à vos yeux
Toute autre, tout à fait, toute ou rien
Qu'ils ont plongé un instant dans les miens.

à mon aval

de l'océan à la mer au fleuve à la rivière au ruisseau au ru au filet au compte-goutte


mes mains te cherchent
partout, ailleurs.

[]


il y a ces ouvriers muets
qui remplacent ma fenêtre
en bois
avec traverse d'imposte
vitrage en verre dépoli
loquet en cuivre
par un absurde carré en plastique
laid et froid
et parfaitement inutile
j'ai juste envie
de leur cracher dessus


en liaison (avec plus rien)

-docteur je perds la mémoire -depuis quand? -depuis quand quoi?

c'est quoi ce truc dont je ne me souviens JAMAIS

"on ne plonge pas dans les gens comme dans des piscines"
ah oui voilà
j'avais ENCORE oublié

quoi?