Futurs #



L'œil colle à l'oculaire. Au dessus, penché, chaud, l'œil collé, le type sue. Il glisse la plaquette, en tremblant légèrement. Il sue. Le son du verre sur le support métallique, si ténu. Le type l'entend parfaitement pourtant. Il sue. Il décolle un peu son œil. Il ajuste la plaquette. Il colle son œil. Le sel de sa sueur dans son œil. Ça pique légèrement. Il ajuste la focale. C'est difficile en suant. A la lisière de la plaquette, c'est encore flou, il y a plusieurs lignes qui se superposent, ce n'est pas bon signe. Il ajuste la focale. Il décolle un peu son œil. Il se frotte le visage sur l'épaule droite. Écrase son épaule sur son visage, pour éponger son œil. Mais la poussière. Pas mieux. Maintenant il a l'œil qui pleure un peu. Il grommelle. Il dit merde. La poussière rentre par dessous le battant de la tente. Il y a un vent brûlant dehors. Il colle son œil à nouveau. Il ajuste la focale. Dans cette chaleur. Pas facile. Les contours se précisent. C'est un petit échantillon de moelle. Il y a une zone plus blanche sur la droite de la plaquette. C'est là qu'il faut regarder. C'est la qu'il faut comprendre. Pas facile. Par cette chaleur. Ce vent qui secoue la toile de la tente. Ça fait du bruit. Plus que les infos sur la radio. Le type ne les écoute plus. Il se dit que s'il écoute il abandonne tout. Il retire l'œil de l'oculaire, le ferme et l'ouvre à plusieurs reprises, fort, pour extraire les larmes et le sable comme s'il pressait un citron sur un scampi grillé. C'est l'image qui lui vient. Le goût qui lui vient. Un souvenir de presser du citron sur un scampi. Cette alliance. Un lointain souvenir, déjà. Puis ces saveurs mélangées qui restent sur les doigts. Comme le sable et la sueur dans son œil. Il se le laverait au citron si il pouvait. Il ajuste la focale. A la lisière. C'est presque net. C'est beau comme une fractale, comme la côte, comme la découpe de la falaise de chez lui, vue du ciel. Juste sur le long, c'est plus sombre, comme si à cet endroit s'était entamé un processus de reconstruction. La limite est comme poreuse, il y a quelques tâches sombres au delà. Ça pourrait annoncer quelque chose. La validité de ce processus, au delà des limites des zones pâles. Au dessus de la plaquette, l'œil se décolle encore une fois de l'oculaire. La table, la tente, l'extérieur dans la poussière brûlante, plus loin les murs. Le type se redresse. Il regarde la gamine, assise sur le lit de camp, le doigt consciencieusement posé sur le pansement dans sa nuque. Elle vient d'au delà des murs. Il lui sourit, il dit "tu peux l'enlever, maintenant".

Plébéien

Je n'ai pas
Les épaules 
Assez larges 

Née 
Je d'un 
L'entendu
Œil 
Identifiables
Peuvent
Aïeules
Apaisent
Paie sial d'une 
Ils je
Le jeu
Ozonosphère
Odieuse
Onzièmes


Aah les fameuses vibrations du t9
J'aurais tellement voulu la sortir, celle-là.

dans le train


On cherche les reflets
Bien plus que le paysage
Se croiser
Peut-être n'es-tu pas loin

Du rien à la pelle

Tu traverses avec un sourire pressé
Tu la suis avec un regard furieux
Tu caches tes yeux
Tu parles en suivant ton mari qui marche à cinq pas devant toi
Tu attends à l'arrêt de bus, mais tu n'attends pas le bus
Tu touches ton arme de la main gauche
Tu balances le bras pour te donner une contenance
Tu portes des choses trop lourdes pour toi
Tu gardes les mains dans les poches
Tu ralentis
Tu te disperses
Tu montes sur tes jambes de gazelle
Tu protèges 
Tu te protèges
Tu te hais jusqu'au sol
Tu tiens ton smartphone dernier cri comme un plateau de mignardises
Tu repasses un peu plus tard
Tu jettes un œil complice
Tu fouilles une poubelle 
Tu lisses ta cravate
Tu te souviens des jours heureux
Tu dis merci avec la main
Tu roules une cigarette
Tu mets tes mains dans le gras
Tu traines
Tu casses du verre blanc
Tu essaies d'être là
Tu portes un enfant contre toi
Tu remontes tes seins 
Tu pousses le fruit de ton amour
Tu cours 
Tu fumes
Tu appelles
Tu vides ton sac
Tu montres qu'elle t'appartient mais elle ne t'appartient pas
Tu chiques
Tu détaches 
Tu défais les verrous
Tu disparais derrière le coin
Tu ramasses les feuilles mortes
Tu voudrais arrêter de faire ça
Tu es perdu
Tu trépignes
T'agenouilles au soleil, la fatigue dans les chevilles
Tu gardes tes mains derrière le dos quand tu lui parles
Tu voudrais qu'il crève 
Tu voudrais qu'elle parle
Tu essuies ta bouche 
Tu vas quelque part 
Tu décides de ne pas revenir
Tu voudrais tellement disparaître
Tu crois que c'est la solution
Tu cherches le lien
Tu confonds tout
Tu fixes
Tu fais la leçon, mais sans conviction
Tu déménages 
Tu cherches l'ivresse avant le reste
Tu toises
Tu flottes dans une blouse rose
Tu veux tuer, déchiqueter, soumettre
Tu veux revenir à tes vingt ans
Tu dis que tu as un peu peur de bafouiller
Tu te trimballes comme un paquet cadeau
Tu préfères cacher tes yeux, toi aussi
Tu dis non
Tu as trop d'enfants
Tu portes ton cuir sur l'épaule et ton cœur sur la main
Tu restes immobile jusqu'à la crampe
Tu prends les commandes
Tu ne sais plus si tu as chaud ou froid
Tu gémis
Tu penses à autre chose
Tu penses à quelqu'un d'autre
Tu veux croire que l'argent peut t'eclairer 
Tu es bouche bée
Tu aimerais l'ombre si tu savais
Tu aimerais que l'amour fasse rougir tes chairs
Tu ouvres ton coffre
Tu regardes l'heure toutes les cinq minutes,c'est plus fort que toi.



Je suis invisible
J e  s u i s  i n v i s i b l e