ALORS

oui,

ALORS

quoi

malphabet

Cher Saint,

J'aimerais avoir cette couche, là, ce fluide qu'on se tapisse par dessus nos pauvres personnes, ce truc qui brille, qui ébloui, qui fait son effet, là, ce machin qui donne du chien, avec beaucoup de mots bien rétorqués dedans, ce truc que tu files gratis à tellement de beaux savons biens montés, ce serait bien que tu m'en emballe 22 grammes, il y a un peu plus je vous le mets quand même, oui, pas de sac merci, ça tue les baleines.

on n'y est plus

on est plus aux mêmes endroits
on rempli plus les mêmes cases
on est plus assis sur les mêmes chaises
d'ailleurs je sais plus trop m'asseoir
alors...



pas inexorable

C’est pas inexorable la caresse
Assieds-toi un moment
Ecoute l’autre, là, qui pince ses cordes, qui fait monter les notes de son violon, il veut nous faire chialer ou quoi ce con ?
Devant nous il y a toujours plus d’espace
Des passants qui fuient à tour de bras
Des fureurs et des vapeurs d’essence
Mais qu’est-ce qu’il nous veut avec sa musique qui part aux étoiles ?
Assis, le monde est différent
C’est pas si grave de tomber dedans
Ça vibre par le fond comme des sédiments de bruits
Regarde la peau de ton bras
Elle aime cette musique et ces ombres
Elle aime ce moment granuleux
Et les terminaisons nerveuses

Ferment tes yeux par instants 
quelques milliOns de secOndes tOut au plus.

L'inaltérable

Tu surgis
Toujours 

toutetotaltristess

non en fait
je vois pas

J'attends dans la fenêtre

J'attends les camions
Sur le coin
Je ne reviendrai plus beaucoup
Alors une dernière image, Nico ?
De toutes façons tu es perdu
Depuis longtemps
Depuis que tu tournais en rond dans ta chambre d'enfant
Jusqu'à pas d'heure 
Et aujourd'hui, tu la sens bien la griffe Nico ?
Elle a trouvé sa place, là, à gauche
Pour faire écho 
Petit con
Ta chemise et ton blouson n'y peuvent plus rien
Tu pues la peur
Tu pourrais profiter des rails
Mais non
Tu pourrais profiter du rail
Mais non
Tu pourrais profiter de ton bras valide
Mais il n'y a rien à saisir
Rien à  branler
Rien à secouer
Rien à faire.

Pourtant

Je n'ai pas la force
Pourtant j'ai la rage

Je n'ai pas les moyens
Pourtant j'ai les poches

Je n'ai pas l'envie
Pourtant j'ai les larmes

Je n'ai pas la stature
Pourtant j'ai la taille

Je n'ai pas les épaules 
Pourtant j'ai l'encre

Je n'ai pas la joie
Pourtant j'ai pas de quoi me plaindre

Je n'ai pas l'organe
Pourtant j'ai les os

Je n'ai pas la pulsion
Pourtant j'ai la masse noire

Je n'ai pas le recul
Pourtant j'ai le flingue

(.)

(.)clair
Je
(.)
(.)
(.) sombre
Alors une (.) s'il vous plaît 
(.)l'oreille s'il vous plaît 
Jusqu'à (.) 
(.) arracher
De hautes (.)
Arrête 


(.) 
(.) (.) 
(((((((((:):(:(/)/;263;:(:(:(.(;)())€)):(:(:;/;/)-2222?,&4)58(,;€;?,

Arrête, Nico.



au fond

y a moins qu'on ne croit
de la cendre, un peu
oui
au fond

tu peux toujours courir

tu peux toujours courir
avec tes jambes maigres
vas-y cours, montre
sue des perles vas-y, viens
cours
plus vite souffle crache ta joie
pisse toi dessus mais t'arrête pas
cours
cours par là, y a de la place
pour tes trucs désarticulés
cours
vas-y ça suinte, tu pourras montrer
cours
comme tu ne peux plus t'arrêter
cours
comme ça tu restes flou dans les yeux
de ceux qui sont assis devant leur messagerie
cours
tu vas pas te tromper y a pas de chemin
y a juste l'espace de courir
pas besoin de laver tes pieds
cours
pas besoin de faire attention à la douleur
cours
t'as des crampes mais cours
le point de côté
la vue latérale mais vas-y
cours
pas besoin de te faire comprendre
ravale ta colère en une âcre gorgée
dévale, déroule tes peaux usées
cours
rien à dépasser tout est à côté 
tout est ailleurs alors
cours

V.R.A.C.

Rien ne semble se passer.
J'ai la nausée.
Il y a quelqu'un qui s'endort
Les hommes croisent les bras, ou défendent quelque chose avec leurs regards perçants 
La femme en rouge, elle est en rouge pour quelqu'un d'autre.
On oublie.
Être distrait
Quel étrange duel, il fait des mmh mmh très vite dès qu'elle parle, elle essaye de dire qui elle est ce qu'elle a fait. Il ne trouve plus la porte d'entrée pour parler de lui. Alors il décide de l'interroger, ça lui donne une nouvelle place. Tout est toujours une affaire de place. Tous ceux qui écoutent veulent avoir une place aussi, mais comme il n'y a pas d'accès par la parole, ça se jouera avec une petite quinte de toux, une main sur le front, les yeux qui se ferment. Les propriétaires de la parole versent un peu dans l'abus de références. Il est doué, il la ramène à l'anecdote, sur laquelle il peut tartiner une dimension plus élevée.
Charlotte a des lunettes, et les tétons qui pointent.
Et un truc aigri dans le cou.
Il faut chercher un point aveugle. Comme l'angle mort dans le rétroviseur.

Ligne


Un jour il entend parler d'une guerre. À partir de ce jour il devient, peu à peu, un autre avec les mêmes organes.

Un jour il offre une cacahuète à un homme qui lui mendie une pièce. L'homme le prend mal. Pourtant lui se souvient avoir trouvé un oignon dans le caniveau. Et avoir pensé que c'était le meilleur repas de sa vie.

Un jour il convoque tout le monde et leur dit : "que vous partiez ou non, ce n'est plus la question" 

Un jour il se plante une aiguille pour être traversable.

Un jour il prend pourtant les armes. Mais l'histoire ne dit pas contre qui.

Le maïs peut exploser comme l'atome, l'homme et la nova

Ah et maintenant je vais me regarder un bon putain de sacré film oh ça oui un sacré putain de bon film avec un héros qui serait vraiment bien complètement possiblement comme je voudrais être à la hache finement coupé car si bien affûtée et puis les reflections l'effet de lentille dans l'image saturée de lumière et de poussière sur une putain de musique qui ne fini jamais vers son apothéose inextinguible bordel qui nous file la putain de chair de poule bien en profondeur jusqu'au niveau quantique à nous pisser de l'au-delà du cosmos dans la gueule jusqu'à ce que ça nous révèle par l'âme le plasma et les yeux encitronnés que le sel dans la goutte et toute la clique d'univers de mes deux sont amour.

Putain ça va être bien.

aaah oui mais

sinon

on aurait pu regarder ensemble
on aurait pu parler dans la bouche de l'autre
on aurait pu s'asseoir le dos
on aurait pu passer la main
on aurait pu rire à la gorge
on aurait pu retourner au point A
on aurait pu revenir au point B
on aurait pu mettre du sel
on aurait pu inviter un Trou à notre table
on aurait pu se sou-t-v-enir
on aurait pu prendre le petit déjeuner
mais

pourquoi pas oui
mais
c'est par là oui
mais
entrez sans frapper oui
mais
oh
mais
non en fait
aaah
mais non
en fait
aaah
mais non,



en fait

Les savons


Il fait chaud. On est dans l'eau, on est dans l'humide, dans les milliards de particules. Je les connais bien, les particules. On est dans la torpeur, la vapeur, l'apesanteur. On est dans l'eau. Dans l'eau il y a les savons. Je les connais bien les savons, ils sont bien sculptés, les savons. Ils aiment se faire mousser. Ici ils jouent au balcon, là ils sortent leurs marques en bas-reliefs. Savon de Marseille, savon de ville, savon de province, savon parfumé, savon au beurre de karité, ils aiment qu'on les mate, les savons. La surface propre comme un mur au Ripolin, ils prennent la pause sexy mouillée, bien tendus, quand ils courent à petits pas chercher la balle dans les particules. 
J'aimerais tellement être un savon. Avoir l'allure et le parfum, les essences chimiques aux couleurs tape-à-l'œil, le bas-relief bien sorti, avoir une marque de fabrique, une démarche nonchalante et chaloupée, un teint huileux, un œil sûr et la peau qui mousse sous les regards admirateurs et vite conquis. On les mate, ils aiment qu'on les mate, et ils moussent de plus belle.
Je ne suis pas con, et quand on me dit que le savon s'émousse autant qu'il mousse je sais bien qu'on a raison, mais ça n'enlève pas ma tristesse, ça n'efface pas mes regrets, ça n'avale pas ma colère de ne pas être un putain de savon.
Je devrais leur pisser dessus, mais j'arrive juste à mouiller mes godasses, parce que j'ai la vessie usée. Je me dis que j'aurais dû profiter d'avant pour etre un savon, si de toute façon c'est pour finir par me pisser sur les chaussures. 
J'arrête. Je repasse par là. On est dans l'eau, heureusement, les milliards de particules je les connais bien. Je sais qu'elles laveront tout ce qui coule de moi, chaque fois que je pleurerai de ne pas être un savon.

J'ai beau être ce las

Fais
Attention
Toujours
Intensément
Griffe
Un
Entre-deux.

Interstice

Merde les clés, c'est pas le moment, j'allonge la jambe, je déplie le pied, le trousseau rebondit, glisse dans le caniveau, ma main plonge entre les barreaux, trop serrés, mes doigts, merde, coincés, l'heure tourne, mes deux bagues, c'est ça qui coince, pour les clés c'est foutu, je sens du bout du majeur la pelote de tissus du porte-clés, il glisse encore, vers les profondeurs, ça fait un plof, je me dis c'est entre le plouf et le flop, je pousse sur mes jambes pieds talons, je sue, cette voiture voudrait se garer, oui mais je suis là, attention, je sue, je dois remonter mes lunettes, le type klaxonne huit fois. Le plouf et le flop je trouve ça drôle, je ris, mais nerveusement et très fort, cette femme s'arrête à ma hauteur sur ses talons aiguilles, elle dit "du savon de vaisselle", je dis que je n'en ai pas sous la main, elle dit "c'est sur votre main qu'il faut en mettre, pour que ça glisse", je me dis que tout glisse aujourd'hui, sauf ma main, la femme se penche, quel parfum s'échappe de ce mouvement, son chemisier ample à l'impudeur du troisième bouton ouvert, j'ai de plus en plus chaud, mes lunettes glissent encore, elle a un léger accent, je commence à avoir sérieusement mal aux doigts, ils sont gonflés, c'est très inconfortable et pourtant j'ai une érection, je perds mon regard dans l'espace de chair entre les trois boutons, elle s'en rend compte, m'écrase la main de son haut talon, je veux m'excuser dans mon râle, doigts coincés, nez glissant, queue tendue, corps tordu, clés perdues, la femme se casse, le type repasse, Klaxons, il décide de se garer coûte que coûte, à quelques centimètres de ce qui reste de ma main, je dois me plier quand il ouvre la portière, il lâché un juron, claque, la moitié de moi sous la voiture, il commence à pleuvoir.

Le geste qui parle

Tu as faim? Tu veux quelque chose dans ta bouche? Tu veux quelque chose dans ton ventre? Un coup de mon poing? Un point sous ta peau? Tu veux que je trace? Tu veux que j'écrive? Dans l'air, à quelques vapeurs de toi? Dans ta salive? Dans ton eau? Tu veux que je grave gravement sur tes os? Tu veux que je sculpte, que j'osculte, que je soulève les pelures une par une, les questions deux par une, le drap par le coin, le voile par l'ourlet, le sujet par la bande, la queue par défaut, le menton par orgueil, les yeux pour le ciel, la main pour la promenade ou le cœur pour rien?
MAIS
C'est compliqué de savoir ce que serrer les poings veut dire. Relier, tout est intention, le pouce encombre quand on veut donner, laisser un espace pour une autre fois.

Tu as chaud, tu as soif? Tu veux qu'au bord d'une fontaine publique j'eclabousse un peu d'eau dans tes yeux ronds? Qu'au fond du magasin de souvenirs je danse sur un morceau de musique rafraîchissante? Que j'enroule et plie, que j'abandonne mes volontés déployées pour être ta coupe où tu pourras tremper tes lèvres sèches? Que je remue tout ce qui s'articule pour faire un courant d'air? Que j'encercle tout ce qui gesticule pour faire une sieste sur la pelouse, pas loin?
MAIS
C'est compliqué d'avoir trop de sens quand on marche dans l'allée. Délier, tout est invention, le corps décombres sur le vieux plancher, laisser un temps pour un autre doigt.

Tu as envie? Tu veux en découdre des fils de haine et te tordre avec moi? Tu veux que j'indique, que je plante une vague lame, que j'introduise une requête, que je t'aide à te déballer, que je te fasse sentir la vérité de la griffe, que j'arrête de jouer avec la surface? Tu veux mouiller sur un mouchoir de poche? Tu veux que je te dise de me mater pendant mes egocentricités devant le miroir de la salle de bain? Tu veux que je rase ce qui dépasse, que je lamine ce qui surpasse, que je viole ce qui passe? Tu veux que te fasse croire que tu jouis les dents dans les crans?
MAIS
C'est compliqué d'avoir trop de transe quand on danse dans l'attente. Envier, tout est émotion, le cul défait sous les mots gonflés, laisser un fil pour une autre soie.

par ici par là

Aurais-tu voulu être un autre
Aurais-tu voulu recommencer
Aurais-tu voulu savoir
Aurais-tu voulu être l'horizon
Aurais-tu voulu pisser sur tes godasses
Aurais-tu voulu à ce point douter
Aurais-tu voulu être si heureux
Aurais-tu voulu passer d'autres caps
Aurais-tu voulu fuir
Aurais-tu voulu qu'on parle de toi
Aurais-tu voulu avoir vécu
auterment
plus vite
plus lentement
plus fort
plus doucement
plus perdu
plus confiant

Le long d'une berge
avec sur l'autre rive
la mort sur un rocher

c'était pour ça, alors, c'était pour ça, alors, c'était pour ça, alors, c'était pour ça, alors, c'était pour ça, alors, c'était pour ça, alors alors alors c'était pour ça

tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur parce que tout est à l'intérieur.
parce que tout
est
à

Train de vie


Je ne suis jamais allé bien loin. Les environs, oui, les champs, le village aujourd'hui presque entièrement déserté, la petite forêt de feuillus, le lac. Rien de plus. Et puis là le paternel me convoque, et avec sa grimace de vieux bougre il me dit de partir. J'ouvre la bouche pour protester mais déjà il me pousse dehors, me glisse une photo de ma mère dans la poche, m'embrasse pour la première fois depuis dix ans au moins et me voilà sur le quai de la gare. Pourquoi les choses vont-elles si vite. Pourquoi tant d'ellipses, de raccourcis, quand on voudrait justement analyser la situation avec calme. Pourquoi suis-je déjà dans le train, moi qui n'ai jamais quitté ma maison. Cette quête n'est pas la mienne. Je regarde par la fenêtre, fasciné par le déroulé du paysage et des événements. Dans un train, pour la première fois de ma vie. J'ai tellement peur de perdre mon billet que je n'ose pas le ranger quelque part. Je le tiens serré dans ma main, le front collé à la vitre, les yeux dans l'alternance de l'extérieur. Dans le train il fait chaud, ce n'est pas un très grand train, il ne va pas très vite, il n'est pas très neuf, pas très moderne, il fait beaucoup de bruit, une boucle régulière, profonde et apaisante à la longue. Je suis seul dans le wagon. Je relâche mes doigts, glisse mon billet en poche, à côté de la photo de ma mère. La seule photo d'elle que je connaisse. Elle s'y tient droite, une main sur la hanche, un large chapeau de paille sur la tête, des cheveux noirs en bataille qui dégringolent sur ses épaules nues. Elle porte une robe de tissu bariolé, des bottes jaunes, des bracelets et des colliers. J'ai toujours pensé que cette photo était une photo de magasine à laquelle s'accrochait le vieux bougre, pour s'inventer un passé plus coloré et pour m'inventer une descendance plus brillante. Une illusion. Je reste quelques instants le regard planté dans cette exubérance, puis mes yeux replongent dans le défilé des paysages. 
Combien de temps se passe. Je n'en sais rien.
Nous passons quelques gares, sans jamais s'arrêter. Je suppose que la ville est encore loin. Je mange un biscuit. 
Puis le contrôleur. 
L'entrée du contrôleur. Et la sensation que quelque chose bascule avec son apparition. D'abord le son. Il ouvre d'un coup la porte du fond du wagon, et le son redouble de puissance, s'épanouit soudain dans les aigus, me tire brusquement de ma torpeur. Dans ce bruit devenu assourdissant, je vois sa silhouette en contrejour, il est énorme dans cette petite porte, le bras tendu pour la maintenir ouverte, et le vent s'engouffre avec lui, le vent est avec lui, il reste quelques instants dans l'embrasure de la porte, sa masse extraordinaire, ce vent, ce bruit, cette lumière, c'est le dieu de ce train, c'est l'homme de ce train, c'est l'animal de ce train, c'est l'histoire de ce train, c'est la légende, le mythe ancestral, le souffle, la puissance, les pistons, la vapeur, la fusion, le cri, la voie, le métal et le bois, le charbon, la terre parcourue, divisée, les bisons massacrés, les larmes et la sueur des esclaves, l'esprit du train. Puis il ferme la porte. J'ai l'impression que mes oreilles se bouchent. Que le temps se dilate. Les quinze pas du contrôleur pour arriver jusqu'à moi. Je perçois la moindre ondulation de ses vêtements. La veste de contrôleur ouverte sur une chemise blanche épaisse, ouverte jusqu'au troisième bouton. Il est dans la force de l'âge, ses cheveux blond pâle en bataille s'évadent de sa casquette de contrôleur. Il a du ventre, de la chair, un pantalon de contrôleur gris orné d'une bande rouge, à sa ceinture une pochette en cuir usé pour le matériel de contrôleur, bics, poinçons, carnets. Ces quinze pas durent quinze ans. Toute sa présence, toute la profondeur primitive de sa chair, son regard bleu-gris qui a gardé cette mémoire, me font sentir si faible, si tordu sur ma banquette, si petit, perdu, faillible. Il s'arrête un instant devant moi avant de parler, un instant qui dure cinq ans de plus. Puis il parle, mais dans un premier temps je ne comprends pas avec mes oreilles bouchées, j'ai l'impression d'entendre le chant d'une baleine cosmique. J'avale ma salive. Mes oreilles se libèrent dans un léger "plop". Il dit: 
Billets s'il vous plait, trainkaartje alsjeblieft.
Je tends ma carte. Il se met à la poinçonner, trois trous, lentement, sur le bord droit. Puis il accélère et poinçonne toute la longueur de dizaines de trous. Puis il retourne la carte et recommence, plus vite, plus frénétiquement, attaque une diagonale jusqu'au centre et revient par la médiane, et là dans la pluie de confettis qui s'éparpille sur le sol je reconnais l'œil de ma mère.
Je bafouille quelque chose comme "non, stop, excusez-moi, je me suis trompé, c'est une photo, de ma mère" mais peut-être dans un autre ordre. Il lève les yeux sans s'arrêter.
Il n'y a pas de problème, monsieur, c'est en ordre.
Je n'ai pas le temps de lui fournir une explication plus ordonnée, il me rend déjà ce qui reste de la photo, un mince cadre de quelques millimètres. Un trou, bordé d'une jolie dentelle, c'est une assez bonne métaphore de ma mère aussi. J'ai sorti mon billet de ma poche, je le lui tends les yeux rivés sur ce qu'il reste de la photo au sol. Le contrôleur s'en saisi et se fige. Plus un mouvement. On passe encore une gare. Je dis " le train s'arrête avant la ville?", mais dans un premier temps il ne répond pas, le regard dans le billet. Je lève la tête. 
Il y a un problème?
Il ne quitte pas le billet des yeux.
Ce train ne s'arrête pas, monsieur
Ah mais, à la ville, alors, c'est...
Non plus.
Non plus?
Ce train ne s'arrête jamais, monsieur. C'est clairement indiqué.
Il a bien fallu qu'il s'arrête pour que je monte dedans.
Pas de réponse. Perdu dans le billet.
Ce train va bien vers la ville?
Je dois reconnaître que c'est étrange.
Quoi donc?
Pas de réponse.
Qu'est-ce qui est étrange?
J'ai cru un moment... Mais non, en fait, non...
Il me rend le billet sans l'avoir poinçonné même une fois, me regarde et dit:
Je ne connais pas cette femme, désolé.
Puis il se détourne, ouvre l'autre porte du wagon, plus proche de moi, bruit assourdissant,vent d'apocalypse, silhouette énorme dans l'embrasure, et dans ce chaos je crie "Mais alors comment on descend de ce train?", et lui, d'une voix terrible, avant de disparaître dans la lumière et le vent:
Comme on y monte, monsieur: en marche!



Perte de sens

Un humain tue une centaine d'humains avec un camion
Quelques humains tuent d'autres humains avec des armes
Un humain ordonne le massacre de milliers d'humains
Un autre humain celui de millions d'humains
Un humain incite au genocide de beaucoup d'humains
Quelques humains se partagent les richesses de millions d'humains 
Un humain exploite des milliers d'humains
Un humain tue un humain qu'il connaît
Un humain tue des humains qu'il ne connaît pas
Un humain exécute des centaines d'humains
Un humain tue des humains
Un humain sacrifie des humains
Un humain détruit des humains
Trois humains tuent beaucoup d'humains
Un humain massacre au hasard des humains
Un humain tue des humains dans un lieu plein d'humains
Un humain
Humain
Humain
Humain


L'entresol

Le corps de la mère
Le sexe du père 
La tête trop longtemps dans l'eau, jusqu'au cri
La poésie qui lève un morceau du voile
Les drames sous silence
L'évanouissement
Pas d'explication autre
Pas de recours à la matérialité 
Les premières envie de fuir
Par l'évacuation d'eau
Seule issue, impossible issue
Sauf pour les glaires qui flottent dans la mousse du bain.

Les aventures de Soporman / épisode 6574738

Résumé des épisodes précédents :
Soporman comprend qu'il ne comprend pas.

Alors que les fantômes s'agitent autour de cette histoire de sommeil (jamais bien loin de la mort),
Soporman garde les yeux dans le plafond, les plis et l'amour qui le bouleverse.
L'un d'entre eux ri de bon cœur devant les ruines de son égo réduit encore une fois en cendres (mais il n'y a pas d'urne pour ce genre de combustion). Soporman prend son élan à bras le corps. Il retire ses pelures jusqu'à suinter comme un oignon cru, ça lui pique les yeux toujours ouverts. Il est allé au bout de quelque chose, mais quelques heures plus tard son passé le rattrape dans le viseur. Son ennemi prend une autre forme, un autre nom encore, insaisissable, Soporman naïf y voit un instant un produit d'entretien des sols. C'était une ruse habile, le savon à un sale goût dans la bouche, il veut qu'on le regarde, il veut se faire mousser. Le pouvoir de Soporman est de plus en plus faible et ténu, il essaye de se recharger par les yeux et la contemplation, mais la combinaison est acide, et il a tombé le costume pour dévoiler sa vérité nue, ce qui le rend plus maigre, plus faible, plus inutile, plus loin, plus vieux, plus fragile, plus vaporeux, plus triste, plus égaré, plus con, plus inutile, plus déconfit, plus tourmenté, plus triste, plus blanc, plus étriqué plus vide plus enfantin plus écorché plus ridicule plus exposé plus cramé plus bancal plus aveugle plus noué plus 

Le savon gagne en force, il mousse, on le regarde, on l'admire dans sa pose sexy mouillée, Soporman vomi ses dernières entrailles sur son propre tas de pelures desséchées. Mais il a le temps de ramasser sa mixture, pour l'emporter dans son laboratoire secret au trente-sixième dessous. Rien n'est encore perdu, peut-être....

Suite au prochain épisode. 

C'est enfin l'hiver nucléaire dont tout le monde parle dans mon dos

J'aimerais, oui pourquoi pas, aller ailleurs
Du coup être ailleurs
Oui pourquoi pas 
J'aimerais ça etre ailleurs moi aussi
J'ai pas l'air
Mais ailleurs ailleurs
Oui
Loin ailleurs
Totalement ailleurs 
Je désire tellement ne pas être ici
Mais totalement ailleurs
Pas à cent mètres cent kilomètres 
Pas sûr une terre une île où un rocher
Non
Ailleurs
Pas de l'autre côté de ce globe
Pas dans une ville une jungle ou un désert 
Vraiment ailleurs 
Vraiment
Un ailleurs 
Tellement ailleurs
Que je ne serais plus vraiment moi
J'aimerais, oui pourquoi pas, ne plus être moi
du coup être autre chose
Oui
J'aurais plus l'air
Mais autre chose vraiment
Autre chose
Totalement autre chose
Je désire tellement ne pas être moi
Mais totalement autre chose
Autre chose ailleurs.



le furet, l'arpenteur et le pendu

jev o__
            |ud  rais __ qu________ecetro u
                                                                 |
                                                                 |
                                                                da nslen œu           d_______ d_____ans
                                                                                              |
                                                                                              |
  la ____________________________________________|
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                                                                     des yeux

la topologie de l'abandon

rien
en bas, le piano, le jardin, la table
les petits sermons normatifs
en haut le drame permanent
le théâtre de la déchirure
entre les deux la salle de bain
un moment d'inconscience, un poème dans les larmes
l'angoisse cristallisée dans la vapeur d'eau
sous les toits l'occupation précaire du sentiment
la main volatile dans les cheveux
l'incapacité
le déni
c'est la topologie de l'abandon
une découverte qui fait la une de mes souvenirs
une page pour écrire les vieux os
et que se reformule encore une fois la chaîne
les maillons défaits dans l'air trop dense
jusqu'à ce que je sois encore un autre
pourquoi pas
pourquoi
pour
toi


L'écharde

Hier, entre mille choses, tu m'appelles. Tu as une écharde dans le pied. Je vais trouver un moment, une aiguille et une pince à épiler. Entre mille choses. Puis ton pied sur ma jambe, dans le soleil lourd, pendant que mille choses s'écoulent. La fine pointe de métal dans la flamme du briquet, jusqu'à rougir. Les petits lambeaux de peaux, accrochés à ta douleur. Je dois retirer mes lunettes. Entre mille choses. Je dois te parler d'une histoire ancienne et drôle, pour te distraire. Les petits lambeaux de peau, les petites miettes de chair, la pointe dans l'épiderme, le nerf pas loin, le nerf au bout du bois, le moment où je te mens sur l'échéance, pour aérer ton impatience. Entre mille choses. Je te dis que j'ai de gros doigts, à force de manier de grands couteaux, que je n'ai plus les bons yeux à force de les ouvrir sous les néons, que je ne sens plus la chaleur des peaux, à force de travailler dans les frigos, que je m'étonne de cette image qu'on m'a donnée, de savoir si bien enlever les échardes des pieds des enfants. Tu me dis que j'étais le seul à ne pas abandonner, à ne pas  désespérer de leurs cris et plaintes. Que je continuais toujours jusqu'à l'extraire, sans dévier, sans lâcher le pied, sans trembler dans la peau. Je jubile de ton souvenir face au mien, je tiens le minuscule éclat au bout de la pince, j'embrasse rapidement ton orteil, puis je file, entre mille choses.


y a pas à dire

sortirparaîtreserépandrepoindresurgirapparaîtrejaillirpercerémergercoulerpointernaîtretranspirerémanersedégagerressortirfiltrerdécoulerfuirpoussersuinteréclorefuser

Et pourtant

Du soleil dans l'avenue
Un type boit sa bière 
Un car d'enfants
Ils font des signes de la main
Une poussette qui crisse
Un ouvrier communal fait une pause
Un pigeon longe le trottoir
Un souvenir d'enfance 
Une femme en bleu
Un étudiant en uniforme
Un chapeau blanc
Une lointaine connaissance dont j'ai oublié le nom
Treize heures vingt-trois 
Une cigarette
Le bus
Les passants
Les yeux dans les cellules
Les fragments de phrases
Les talons hauts
Les séquoias dans la brise 
La pression atmosphérique 
La cravate noire
Les ondes dans les oreilles
Un taxi
Quelques volutes
Les vitres fumées 
La caféine 
L'aberration des écrans 
La main de l'enfant dans celle du grand-père 
L'affiche sur la façade
La promesse d'un lieu
Le feu rouge puis vert puis orange puis rouge puis vert puis orange puis rouge puis 
Les pollens en suspension 
Un briquet oublié 
Les cheveux blancs attachés 

Et pourtant
Tout est à l'intérieur 

Peut-être vais-je te voir tourner le coin
Et marcher vers moi 
Si je compte jusqu'à vingt-deux.

Après ça je ne te dis pas comment pisser me détend

Ah, ce Marcello. Et le vendeur c'était qui? Un Flash in de Panne? 
Non mais tu fais un track mist, juste un spot, j'ai quand même une expérience sommaire...
Cette histoire de questionnaire il faut que tu voies
Imaginons ok si on est pas ok on dit pas ok mais là c'est facile, c'est comme avec les sushis mais si on est ok bon c'est comme les cacas chieurs des hollandais 
En clair la troisième option c'est bon ok on a une solution
Dis toi bien que je vais pas encoder la grosseur de ta bite hein ce qui est caché est caché 
Realistiquement c'est plus facile d'uploader
Mais moi aujourd'hui je vais me délocaliser de toute façon tout ce que je voulais pas arrive  maintenant. Mais j'ai besoin de ça six mois ou deux ans
Non je pense pas parce que comme tu dis ces gens là
Tu sais moi ce que je dis c'est travaille. Tenons le backup. Puis après je peux appeler Martine ou tout ce que tu veux
Tu va faire comme dans le film là, te débarrasser de tous les cadavres
Par contre les gynécologues... On les avait à 85000 l'année. Y a une autre firme qui utilise des stemps pour utilisation du client
Y a encore 14000 et chez medic-nvof il y a encore plus.
Mais pourquoi le faire en clair
Le robinet is gesloten hein
Donc ouais
Moi il m'appelle pas 
Et demain c'est un haouss 
Déphaser le triphasé 
Exactement, c'est un rail maintenant
Mais quoi c'est un sushi ou quoi un nain de jardin
Non un luxembourgeois figure toi
Mais comment ça c'est terminé avec l'italienne... Bon je deviens personnel
Faut rembourser.
Mais le le le c'est... Qu'est-ce qu'on fait avec le foot parce que le plus important c'est quand même 
C'est un lundi
Non mais en business 
Non j'ai vraiment pas essayé 
En business 
Non
En business 
J'ai été voir une grande spécialiste 1400€ par heure
Oula
Non mais en business 
Elle est vraiment brillantissime
Elle avait peut être des techniques souterraines que tu n'as pas su
Après elle m'a dit y faut que tu me payes
Donc déjà à son âgé elle est professeur ... Je dirais honoraire
Temporaire extraordinaire 
Elle a démonté tous les théorèmes 
Pour le prix de la séance
Freud c'est un grand malade faut pas l'oublier
Mais pour répondre à ta question
Oui
Fallait le garder un mois pour lui extirper le PEU d'informations qu'il avait
J'ai démonté ton tableau
J'ai rien compris
Tu m'as même pas dit merci
Mais si je t'ai dit merci
Non pas le jour même, mais le lendemain, c'est le jour même que j'ai démonté tout ton tableau
Oui mais ça c'est moi je comprends deux ans plus tard tu comprends c'est pour ça qu'on sait pas parler tous les deux on doit savoir ça si on fait un truc ensemble
Je te dirai en rentrant
Ah mais tu pars pour finir
Oui
Je croyais que t'étais contre tous ces slaves tout ça
Je leur vends bien mobiflex 
T'es pote de Poutine alors, ça t'ennuies pas ça 
C'est quand même le seul pays au monde ou si tu romps le contrat... Tchuss
Oui mais en business 
La j'ai compris
Ils savent boire
Elle m'a dit tu rentres là pas de mobaïle y a des mesures
T'as senti alors
Non 
Mais en business 
Oui
En business hein
Il voulait rien faire
C'est du business ça 
Non
Y z ont fait un show
Je pense que ici ça peut pas t'aider
Toi tu sais revenir quand
Après le bento 
A Anvers?
Non c'est ici maintenant
Aaah
Quand la vente sera réalisée je pourrai te payer
Le tableau, et mon travail d'hier, et ma main dans la gueule
Allez c'est vrai tu peux me dire 
Tiens un œil là dessus
Ah ... Un pignon sur rue! 
Oh putain
Une vitrine c'est ça 
On doit y aller là 
Tu me déposes où 
Compte là dessus
Non mais allez
C'est ça le business 
Le métro ou quelque chose comme ça 
Qu'est-ce que tu racontes
Tu as fait un bon travail du point de vue amincissement je vois, y faudra que tu me dises comment tu as fait, moi c'est tout l'inverse
Je suis garé en face.




SOPORMAN

Je suis SOPOR MAN

le type au super-pouvoir soporifique
qui endort tout le monde en quelques minutes
hommes femmes enfants
hyperkinétiques, angoissés, surexcités,
ogres, ogresses, atopiques, lyriques
mystiques insomniaques noctambules
tordus, tendus, bandants, priapismiques
agrypniques, extatiques, flippés, constipés
amoureux tristes, varicelliques, zoneurs
cauchemardeurs, jambes-sans-reposifiques
vous avez entre 3 heures et 300 ans
qu'importe
venez vous poser sur mon long
et dans les minutes qui s'égrainent
le sommeil vous prend.







l'appui

Une petite flamme
un petit feu
une petite cendre
durcie comme
un petit caillou
dans un petit cœur
noir qui cuit
dans un petit four
d'une petite cuisine
d'une petite maison
dans ton petit monde
de petits cons
avec des petites fuites
urinaires
de petits jets
pas privés
pas publics
pas personnels
pas perdus
mais pas trouvés
par petite terre
par petite bouchées
vers la petite crotte
sèche sur le petit tapis
de ta petite salle de bain.

C'est pas des histoires ça?
hein?
c'est pas de la bombe ça?
c'est pas de la jolie souffrance de rien du tout ça?
tu veux descendre par l’ascenseur jusqu'au moins un?
profiter du sauna de l'immeuble meublé (avec les charges)?
avec ton taux d'acidité gastrique
qui ferait mieux de remonter
mais qui t'ouvre le croupion
rends-moi mes créatures
rends-moi mon apocalypse
et mes ailes de mouches
et mes poils de nez.

Merci.



les aiguës me font mal

mais sinon tout est vrai

.


et je m'en prends aussi bien plein la gueule.

tout ce que je vis je voudrais te le raconter



la police m'a demandé à voir mes photos
et à en effacer quelques-unes
puis on a parlé un peu

Deux cafés deux portos

Et Joëlle n'est pas une bécassine non plus
Il connaît la vie
Alors c'est pour ça que je ne lui ai plus écrit
On ne peut pas recevoir du courrier personnel 
Mais ça prouve qu'il m'aime toujours
Qu'il est toujours amoureux de moi 
Il est honnête il a un boulot
On est tous intelligents finalement
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Il s'est rendu compte qu'il était toujours à tout faire
Freddie
Qui
Freddie
Tu te souviens
Il a mis une pilule dans son café 
C'est progressif car les gens se rendent compte que j'ai été victime
On verra avec Inès 
On peut ajouter Aimée 
Oui c'est logique que j'écrive à l'avocat de Régis 
De qui 
De Régis
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Ils font comme si Vivianne n'avait jamais existé 
Comme il est mort
Qui est mort
Je peux te demander une petite cigarette
L'héritage il n'y aura plus rien pour Agnès 
Qui
Agnès
Il a été tout le contraire de correct avec elle
Tu veux dire quand tout a brûlé 
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Je parie que le juge d'instruction lui a demandé de raconter
Jacques aussi à été un meurtier criminel
Qui ça 
Avec la l'amant de Gilberte 
De qui
Il l'a enfermée dans le salon
Tu sais c'est grave quand il y a des morts, on te fait parler
C'est grave
C'est Rosa qui dépensait tout il a du te le dire
Qui
Rosa
Il avait peur de Freddie 
Elle va être interrogée aussi
Ah oui
Comme sa seconde épouse 
C'est pas pour ça qu'il ne raconte pas de mensonges
Tu sais que j'ai lu dans un article 
Quoi 
Il est interdit de conduire quand tu es épileptique 
Et il l'a forcée 
Louis c'était pire
Qui
Louis
Il dormait au volant
Il brûlait les feux rouges, je devais lui dire attention
C'est une tentative de meurtre, on aurait pu mourir 
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Ivan c'est encore plus grave
Du whisky dès le matin
Qui
Ivan
Tu crois qu'il était alcoolique ? 
j'ai su ça par les parents d'Etienne 
Qui
Finalement les gens qui picolent ils tuent des gens qui ne sont pas alcooliques c'est pas juste
Papa a eu la polio et il s'est quand même marié
Qui
Papa
Ça m'a pas dérangé
Si j'allais déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Mais il a volé mon argent
Il a profité de la faiblesse de Francis
De qui
Il en a profité
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Il a commandé une cuisine
Ah bon une cuisine
Mais il l'a trompée plusieurs fois
Comme ça on avance
Elle ne se rend pas compte de la valeur de l'argent
Qui
Mais tu peux avoir une confiance absolue 
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Avec moi elle était très gentille au café 
Elle a cru que j'étais jalouse de Sabine
Qui
Chantal
Ah oui
Elle est passée 
Mais ma sonnette ne fonctionne pas, mon parlophone n'est pas réparé 
Meme si je sais que tu viens je n'ouvrirai pas
Imagine que j'ouvre à un terroriste et qu'il m'expédie un kalashnikov ou un explosif
Moi aussi j'avais peur
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Oh je peux te rassurer, il n'y avait plus personne
Ou
A la gare
Jean-Pierre m'a dit que c'était plus calme
Sauf la bombe sous un camion
Ah bon
Tu n'as pas trop peur de prendre le train
Non
C'est pas des vrais bombes c'est que des explosifs
Des pétards 
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Ça je trouve qu'il faut arrêter
Une dame est tombée l'autre fois 
Je n'osais pas la ramasser
Elle était sur le sol
Mais quelqu'un de gentil s'est arrêté 
Ah bon
On ne reste pas éternels 
Mais Ines est délicate
On ne reste pas éternels
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Jean-Pierre m'a dit que c'était plus calme, donc 
Oui
Qui
Jean-Pierre 
Comme pour Béatrice 
Qui
Mais oui
Meme Philippe, son épouse est assez intelligente 
Le couple s'adore
Qui
Comme papa et maman 
Comme papa et maman étaient admirables
Oui
Mais elle a été licenciée 
Pour faute grave
J'irais déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Il se collait à Francine à son mariage
Qui
Philippe
Ah oui
Mais ça peut sauver la situation
Tu as connu Didier
Non
Oui
François
Non
Alexandre et Sabina
Une baronne
Tu es d'accord que j'aille payer les deux cafés comme ça on avance
Des gens bien
Au début oui 
Une qui a été très amoureuse de toi
Ce n'était pas réciproque
Heureusement que tu ne l'as pas épousée 
Qui
Tu aurais été son boy
C'est Daniel
Qui
Je l'ai vu à la gare centrale
Tu n'avais pas encore terminé ton café qu'il était déjà nerveux
Qui
Daniel
Je ne voudrais pas être à la place du mari de Sabine
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Il a peur et il obéit à tout
On a bien fait de ne rien dire 
Je suis heureux comme ça
J'ai une bonne copine
Ah oui
Qui
Jacques a aussi sa copine
Qui
Qui connaît le néerlandais et le français
Moi j'avais été engagée comme dactylo 
Dis t'es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
A l'epoque de Christine 
Qui
Elle hurlait à la fête de service
Qui
Et lui il dit on est pas des chiens
Qui
Mais elle l'utilisait pour qu'elle soit bien
Qui
Une blonde un peu comme lady Di
Ah oui
J'ai tout compris
Mais ne t'en fais pas
Il m'a dit qu'il aurait voulu venir à l'enterrement de papa
On etait quinze en service
Les autres n'auraient pas supporté
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
On y peut rien elle s'est remariée avec un jeune collègue de bureau
Qu'est-ce que je paye, les deux portos et les deux cafés 
Mais on est dans les temps 
Oui
Donc les deux cafés 
On est pas obligé d'aller au Brodway
Y a du choix 
Si on va vers quatorze heures
On s'en fiche c'est le weekend 
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
J'ai pris deux portos
Et deux cafés alors
Oui je vois
Je dois acheter du déo 
Tu n'as pas d'argent pour ton déo 
Je vais te donner
Tu es d'accord que j'aille déjà payer les deux cafés comme ça on avance
Et tu vas trouver un déo pour moins que dix euros
Oui
Au magasin en face
Je dois boire mon deuxième Porto
D'accord
On s'attend devant 
Oui
Ce qui est fait est fait
Tu seras devant
Je demande le ticket
Deux portos deux cafés 
Le magasin est juste là derrière la camionnette blanche 
Tu m'attends devant alors
À tout de suite
À tout de suite
À tout de suite de suite




Écrire en soi

C'est ce qu'il 
C'est ce qu'il y a de mieux c'est 
C'est indispensable 
Alors 
C'est pas pour ça que tu vas 
Non
Une nuit passée sous la fenêtre
À regarder la ruine d'en face
Le trou d'en face
Comme l'image du tien
Quelqu'un passe tu te lèves 
Comme si tu décidais quelque chose
Mais tu ne décides rien
Il n'y a pas un bruit 
Mais ça te fait quand même mal aux oreilles
Mais ça te fait quand même mal 
Alors au bout d'un temps
Quand le jour point
Tu fais semblant que tu pars avec ton corps de con
Mais en fait tu restes là 
Tu laisses là toute la lave
Tu dois pisser tu dois vomir
Il n'y a pas un seul endroit
Où tu puisses être 
Sans larme
Extrait, cherche
Dans les interstices 
Avale
Retourne te coucher
Fais le décompte des heures passées les yeux ouverts
À écouter 
À prendre soin
Tu vois
Ça ne vaut rien.

autoportrait dans la maison de mon père


Double sens

11:11
Devant la porte de la maison
Elle et moi si vides
Il est grand temps de pleurer


J'ai rêvé de nos peaux
De cet interstice si minime
Aujourd'hui gouffre 

8%

Il n'y a qu'une seule chose vraie,
c'est le titre du morceau
c'est le morceau sur la langue
c'est la langue retenue par les dents
c'est les dents de la mère
c'est la petite mère des peuples
c'est le peuple de l'ombre
c'est l'ombre de l'ivre
c'est l'ivresse à 92% vol.

Et les 8 qui restent,
tourne la tête,

c'est (l'in)fini. 

voila voila

.

l'eau salée

a trop à dire.

L'île

Je ne sais pas bien qui elle est
Sol de sable ou de goudron


Je ne sais pas vraiment où elle est
je cherche dans la bile et le fond


Et puis soudain je pense à fermer
Et puis soudain je pense à ouvrir


C'est le principe de la saignée
Comme la mèche dans la cire


Si tu veux changer, me dit l’île
Alors tu dois partir.

Mais

Pourquoi je dors pas
En fait
Bordel

Un moment dans un miroir

Les Quatres sont émotionnellement complexes et très sensibles. Ils aspirent à être compris et appréciés pour leur être authentique, mais se sentent facilement mal compris et mal à l'aise. Ils ont tendance à se retirer face à un monde qui leur semble dur ou grossier, et sont souvent un peu de mauvaise humeur ou d'humeur lunatique. Ils sont centrés sur le plan affectif et passent la majeure partie de leur vie immergés dans leurs paysages mentaux, où ils se sentent libres de cultiver et d'analyser leurs sentiments. Le désir d'exprimer ce monde interne conduit souvent les Quatres à développer un intérêt pour les arts, et certains deviennent de réels artistes.

Les Quatres ont une tendance naturelle à la mélancolie dans des conditions de stress et à sombrer dans la dépression. Ils ont également tendance à être égocentriques, même dans les meilleures circonstances, mais quand la personnalité se déséquilibre, cela laisse facilement la place à une forme d'auto-complaisance qu'ils perçoivent comme étant pleinement justifiée en compensation du manque général de plaisir qu'ils éprouvent dans la vie. Plutôt que de chercher des solutions pratiques à leurs difficultés, les Quatres ont tendance à fantasmer sur la venue d'un sauveur qui les sortira de leur malheur.

Le 4 a tendance à passer d'une émotion à une autre très rapidement. L'émotion la plus fréquente est une sorte de mélancolie à laquelle il trouve une valeur esthétique. Le 4 aimerait faire comprendre ce qu'il ressent, mais il a l'impression que c'est une tâche insurmontable. Il peut avoir une communication hésitante, ou symbolique, ou encore répéter longuement dans sa tête ce qu'il veut dire.
Le 4 est perçu par les autres comme ayant du charme, mais beaucoup le trouvent un peu affecté ou hautain. Pourtant, il a une excellente qualité d'écoute. C'est un bon confident plein de compassion. Le 4 accorde énormément d'importance aux relations intimes. Il attend, parfois toute sa vie, l'âme sœur. Avec ses proches, il a tendance à voir ce qui ne va pas quand ils sont là, et ce qui est bien chez eux quand ils sont loin ; ainsi, il peut alternativement les attirer et les repousser.
Le 4 a un imaginaire très riche. Il le trouve plus important que le quotidien dont il supporte mal la banalité. Bien souvent, il agit peu, à moins que le travail à faire utilise son originalité et sa créativité. Même alors, il a souvent du mal à aller au bout de ses projets.

Les individus de Base 4 conçoivent la notion d’identité comme étant en rapport étroit avec leur univers émotionnel intense. En somme, le fait de s’identifier à leurs émotions leur permet de se sentir connectés profondément à eux-mêmes, de se sentir vivants. Cette relation à eux-même est si exclusive, qu’elle peut les mener à penser qu’ils sont fondamentalement différents des autres. Ce ressenti profond d’être «Différent de» ou «Autre que» imprègne le Moi des personnes en base 4, et les pousse à incarner une attitude et une posture qui soit le reflet parfait de leur être authentique, c’est à dire, de leur ressenti de l’instant.
Elles cherchent consciemment à exprimer avec le plus de justesse possible l’expression de leur Moi authentique.

De tous profils proposés par l’ennéagramme, les 4 sont les plus parfaitement conscients du fait que la personnalité est le fruit d’une conception, quelque chose qui a été créé et qui peut donc être re-créé.
Les personnes qui font du 4 recherchent l’authenticité à travers une expression d’elles-mêmes de ce qui est leur  « Vérité », mais l’image qu’elles dépeignent est, de par nature, illusoire et changeante, et ne suffit pas forcément à transmettre la profondeur et la complexité du Moi. Ces témoignages extérieurs et ces apparences, aussi proches de la réalité soient elles, ne reflètent jamais parfaitement la réalité du vécu intérieur de la personne, ce qui peut être très frustrant, car il manque toujours quelque chose pour que cela puisse sonner « Juste ».

Ce sentiment de perpétuel « manque » contribue à faire grandir chez les gens qui font du 4 un sentiment d’inadéquation face à leur incapacité à vivre suivant les standards de la société, mais aussi de honte face à leur échec permanent dans cette recherche d’expression pure et authentique d’eux-mêmes.

Le paysage intérieur des 4 est donc complexe, et leur questionnement permanent autour du thème de l’identité authentique, source de multiples frustrations. Tout ce tumulte psychique entraîne une grande fatigue de l’esprit, ce qui, combiné à leur forte sensibilité émotionnelle, donne naissance à une caractéristique marquée de la base 4 : la nécessité chronique de couper (en fantasme ou en réalité) les liens aux autres et de se retirer du monde. Se retirer est l’occasion pour eux de s’immerger dans leurs propres paysages mentaux où ils sont libres de cultiver et d’analyser leurs émotions et sentiments. Dans le domaine des fantasmes, leur créativité n’est pas limitée par des considérations insipides qui sont le fléau de la vie quotidienne, et leur vie intérieure peut ainsi devenir plus authentique que la mascarade à laquelle ils sont contraints dans le monde extérieur.

Les personnes qui font du 4 ont un centre émotionnel exacerbé, et sont sans doute ceux qui, de tous les mécanismes ennéagramme, ont la palette d’états émotionnels la plus étendue. Bien que les individus en base 4 ne soient pas aveugles aux «faits» et à la prétendue «réalité objective» des choses, ils ont tendance à interpréter la réalité dans une large mesure à travers le prisme de son contenu symbolique et de la résonance émotionnelle qu’elle suscite en eux. Ils sont donc émotionnellement à l’écoute du sens, et cette attention au sens des choses donne parfois aux 4 l’accès à une certaine dimension de la réalité qui échappe aux autres.

Une telle perspicacité pourrait trouver son expression dans les Arts (peinture, littérature, musique, etc.) mais cela peut se manifester assez simplement au travers du choix d’un mode de vie singulier qui est le reflet de leur vision personnelle du sens de la vie. S’il s’agit d’individus perturbés cependant, leur sensibilité émotionnelle, qui est généralement accompagnée d’une nature introspective, peut entraîner des descentes dans la mélancolie ou le désespoir.

Les personnes qui font du 4 ont tendance à habiter leurs états émotionnels, ce qui les rend souvent d’humeur changeante, voire cyclothymique. Cette émotivité alimente les questions relatives à l’identité qui sont au cœur du mécanisme ennéagramme 4. Durant leur phases d’introspection, à la recherche de qui ils « sont vraiment à l’instant T», ils sont confrontés à une tectonique d’états émotionnels en constante évolution mus par une énergie émanant d’une source qui semble avoir une profondeur infinie. Il semble n’y avoir aucune île où se poser au milieu de cet océan émotionnel, pas de centre auquel s’accrocher dans cet espace infini, pas d’accès à cette source. La sensation d’avoir été coupé de cette source très pure des origines se fait alors de plus en plus intense, et devant la sensation que le «vrai moi» ne peut être re-trouvé, la sensation de manque grandit, accompagnée d’une envie très forte d’incarner dans le monde une personne à part, un masque remarquable, dans le but d’y retrouver une connexion au Sens.

C’est en ce sens qu’il faut comprendre la notion de nostalgie souvent associée à la base 4 : il s’agit moins souvent d’une croyance du type « hier c’était mieux », que d’un « j’ai été jadis connecté à moi même, en harmonie avec le sens de la vie ». Que ce « jadis » corresponde à un instant de grâce qui a duré quelques instants seulement ; à ce paradis perdu de la vie intra-utérine ; ou encore à quelque chose de plus spirituel du type « avant mon incarnation, lorsque je ne faisais qu’un avec le grand Tout ».

Certains individus de Base 4 expriment leurs états émotionnels internes dans le monde extérieur au travers de scènes ou de témoignages teintés d’une grande intensité dramatique, tandis que d’autres sont plus susceptibles de se retirer, seuls, pour goûter l’intensité de ce qu’eux-seuls, pensent-ils, sont en mesure de comprendre. Ceux qui partagent la vie des 4 ne sont souvent pas conscients de l’existence chez ces individus d’une chaîne interne de connexions qui mène à leur état émotionnel du moment, ce qui fait qu’ils peuvent avoir l’impression de vivre avec une personne tout à fait imprévisible, voire incompréhensible.

Les personnes qui font du 4 sont souvent à la recherche du partenaire parfait, ami ou amant, quelqu’un de solide, capable de les sauver de leur noyade intérieure, et en même temps, elles ont des attentes élevées vis à vis de leurs relations intimes, en matière d’écoute, d’empathie, de sensibilité et de douceur. Une telle alchimie de qualités étant difficile à trouver chez l’autre, elles ont tendance à se sentir incomprises d’une part, et souffrent d’un sentiment de honte et de frustration face à leur incapacité à se faire comprendre d’autre part, puisqu’elles interprètent cette incapacité comme étant un manque d’authenticité.

On distingue entre les lignes l’existence d’un scénario abandonnique souvent très fort chez les personnes en base 4, même s’il peut demeurer inconscient chez la plupart d’entre elles. Ce scénario pourrait ressembler à ceci : « L’accès à la source de la plénitude de l’Etre m’a été coupé (ou je n’ai pas su la garder) et c’est cet accès qu’il me faut retrouver. » En règle générale, cette « source » est une allégorie, une métaphore, de la « Mère » mythique, ou de la « Terre Mère » chère aux anciennes traditions païennes. En conséquence, plus tard dans la vie, j’oscille entre une quête insatiable d’amour et un rejet destiné à détruire toute relation pouvant déboucher sur un éventuel abandon et mettre ainsi en péril l’accès à cette Source, à cette Mère seule personne susceptible de m’apporter cet amour dont j’ai besoin, et de me permettre de recontacter cet état de plénitude originelle ».

Du point de vue de l’histoire de vie, il n’est pas rare qu’un tel scénario s’appuie sur un état fusionnel avec la mère, scénario pouvant s’être mis en place à la suite d’une absence vécue ou fantasmée du père (mort, divorce, éloignement géographique…). Ceci étant posé, il est donc tout à fait classique que les relations amoureuses des personnes en base 4 progressent rarement en douceur, leurs variations d’états émotionnels et leur exigence vis à vis du partenaire pouvant injustement être prises pour des « caprices » ou de l’auto-sabotage.

A leur meilleur, ces individus en Base 4 sont très sensibles aux états émotionnels de ceux qu’ils aiment, sont profondément ancrés dans le non-jugement (sauf à la rigueur celui du mauvais goût) et n’ont pas peur de regarder en face le côté sombre de la nature humaine. Ils peuvent donc faire preuve d’une très grande empathie et se comporter comme des soutiens inconditionnels et compréhensifs pour leur entourage, raison pour laquelle il n’est pas rare de retrouver des personnes de cette base dans les métiers de la relation d’aide.

l’Ennéagramme traditionnel, on associe à la Base 4 la notion « d’envie ». Cela est à mettre en lien avec la tendance de la base 4 à se dévaloriser, ce qui l’amène souvent à idéaliser les qualités qu’elle trouve dans d’autres, à voir que celles-ci lui manque, et donc à devenir envieuse de ces mêmes qualités.
Par un processus connu sous le nom d’introjection, les 4 tentent parfois d’intégrer ces mêmes qualités en eux-mêmes, ce qui, bien souvent, déclenche en eux ce fameux conflit interne associé à la quête d’authenticité, la qualité idéalisée étant considérée comme appartenant essentiellement à « l’autre ». Il y a donc un « désir », une « envie » d’avoir, ou plutôt de vivre ce qui manque, qui se heurte à une « obligation vitale » d’être authentique, sincère, c’est à dire d’être soi-même, et il n’est pas rare que ce conflit débouche sur une mélancolie continue, qui est le témoignage extérieur d’un sentiment de frustration omniprésent.

Ainsi, l’envie telle que vécue par les personnes en Base 4, doit avant tout être comprise non pas comme de la jalousie, mais comme la manifestation fondamentale de leur sentiment interne d’être « anormaux » en ce monde. Il est important de comprendre que cela est vécu par les individus en base 4 avant tout comme une forme de «malédiction» continue, comme un problème récurrent, une sensation lancinante d’être le « vilain petit canard », jusqu’à ce que qu’ils aient atteint les vertus de l’acceptation de soi, appelée de façon assez floue « originalité » dans l’ennéagramme traditionnel.

En résumé, « l’envie » vécue par les personnes en Base 4 est avant tout un désir, un souhait de se sentir connectés à eux-mêmes et au monde, un besoin d’être eux-aussi capables de vivre les formes les plus simples de bonheur que d’autres semblent si facilement en mesure d’atteindre. A ce stade, on peut tout à fait comprendre pourquoi certaines personnes qui font du 4 rejettent en bloc les définitions qui sont parfois données par certains auteurs ou enseignants en ennéagramme autour du concept exclusif de « recherche de différence et d’originalité », puisque les 4 aspirent avant tout à la simplicité d’une vie heureuse et harmonieuse.

A leur moins bon, l’Envie des personnes en base 4 peut prendre une tournure désagréable les amenant à projeter leur dégoût d’eux-même vers l’extérieur. 
Et si cela amène leurs proches à se mettre en retrait, les questions d’abandon sont susceptibles de refaire surface, ce qui peut donner lieu à des tentatives frénétiques de ré-initialiser la relation, par un cycle de séparation-réconciliation. Cela peut devenir un scénario récurrent dans la vie d’un 4 désintégré.

Il arrive parfois que certaines personnes de Base 4 cultivent de façon quasi-masochiste leurs états émotionnels négatifs. En fait, elles « tombent amoureuses » de leur souffrance, comme si elles en venaient à considérer que la souffrance est un signe de leur profondeur d’âme. L’idée d’elles-mêmes comme étant mélancolique peut effectivement devenir une partie intégrante de leur image idéalisée d’elles-même, ce qui rend cet état difficile à dépasser. Dans le même temps, et en parfaite asymétrie avec la tendance à l’auto-dénigrement et au désespoir chronique, les 4 peuvent alors s’accorder des périodes d’auto-indulgence, d’excentricité, de légèreté débridée pouvant aller jusqu’à l’extravagance la plus complète. Ces passages s’expliquent comme une autorisation « implicite » d’opérer une compensation face au manque général de plaisir qu’ils éprouvent dans leur vie. Plutôt que de rechercher des solutions pratiques à leurs difficultés, les 4 sont alors enclins à fantasmer sur un sauveur capable de les arracher à leur souffrance.

Les personnes qui font du 4 et qui vont bien, à l’inverse, ont intégré que leur identité profonde est en fait beaucoup plus riche que le personnage qu’elles tentaient de montrer au monde, et qu’elle n’est pas remise en cause par les autres. Elles ont acquis l’intuition que leur identité ne se résumait pas à l’état émotionnel du moment. Ces personnes « intégrées » conservent alors leur sensibilité émotionnelle et leur empathie sans pour autant les vivre comme étant une source de souffrance et de blessure. Ayant appris l’acceptation de soi, elles sont capables de ressentir une sorte de Bonheur plein qui englobe à la fois la lumière et les côtés sombres de la vie.

Le plaisir et la joie sont alors permis puisqu’ils ne sont plus vus comme relevant d’une béatitude naïve, mais au contraire comme étant le fruit du vécu de l’expérience en pleine conscience. Cette expérience de l’Unité avec le grand Tout donne l’accès à la plénitude et la profondeur de l’être et c’est par la sublimation de cette expérience que jailli le flux de la créativité. Dit plus simplement, le bonheur en Base 4 se résume par la possibilité de se sentir pleinement connecté à sa source d’originalité, tout en acceptant que les autres sont aussi connectés à eux-même, bien que différemment, et que cette différence de connexion, loin de nous éloigner les uns des autres, nous réunit dans une communion avec la vie.

La Base ennéagramme 4 nous invite à nous confronter à la complexité, à l’inconstance et à la subtilité de la vie affective, aussi pouvons nous admettre que les individus de cette base nous aident en nous sortant ainsi de notre zone de confort en nous montrant par effet miroir, ce qui existe en chacun d’entre nous : notre ombre, nos troubles, notre souffrance, toutes ces parties de nous qui nous dérangent et que nous préférerions demeurer inconscientes afin de continuer à mener le cours d’une vie paisible. N’oublions pas qu’en faisant ceci, ils nous ouvrent les portes de la connexion au Sens, à la possibilité de sublimer nos souffrances pour les dépasser et vivre une vie vraie.

Résumé du profil de Base Quatre

Les Niveaux épanouis

Niveau 1 (à leur meilleur) : Profondément créatifs, exprimant des valeurs personnelles et universelles, éventuellement à travers l’art. Inspirés, ils se renouvellent et se régénèrent, et sont capables de transformer toutes leurs expériences en quelque chose de valable : ils s’inventent.

Niveau 2 : Conscients d’eux-mêmes, introspectifs, à la recherche d’eux-mêmes, conscients de leurs sentiments et de leurs impulsions. Sensibles et intuitifs avec eux-mêmes et les autres, ils sont doux, pleins de tact et de compassion.

Niveau 3 : Personnels, individualistes, véridiques, ils se révèlent, sont honnêtes dans leurs émotions et humains. Ils ont une vision ironique d’eux-mêmes et de la vie, peuvent être à la fois sérieux et drôles, vulnérables et émotionnellement solides.

Les Niveaux moyens

Niveau 4 : Donnent une orientation artistique et romantique à la vie, créent un environnement de beauté et d’esthétique pour cultiver et prolonger leurs sentiments personnels. Ils intensifient la réalité par la fantaisie, des sentiments passionnés, et l’imagination.

Niveau 5 : Pour rester en contact avec leurs sentiments, ils intériorisent tout, prenant tout personnellement, mais deviennent absorbés par eux-mêmes et introvertis, fantasques et hypersensibles, timides et conscients d’eux-mêmes, incapables de spontanéité ou de sortir d’eux-mêmes. Ils sont reclus pour protéger leur propre image et pour gagner du temps afin de clarifier leurs sentiments.

Niveau 6 : Progressivement, ils pensent qu’ils sont différents des autres, et se sentent exemptés de la vie telle que les autres la vivent. Ils deviennent des rêveurs mélancoliques, dédaigneux, décadents, et sensuels, vivant dans un monde imaginaire. S’apitoyant sur leur sort et envieux des autres, ils en viennent à faire ce qu’ils veulent et deviennent de moins en moins pratiques, et de plus en plus improductifs, acerbes, et affectés.

Les Niveaux pathologiques

Niveau 7 : Quand les rêves échouent, ils deviennent inhibés et en colère contre eux-mêmes, déprimés et coupés d’eux-mêmes et des autres, bloqués et paralysés dans leurs émotions. Ils ont honte d’eux-mêmes, sont épuisés et incapables de fonctionner.

Niveau 8 : Ils sont tourmentés par le mépris, les reproches, et la haine contre eux-mêmes, et par des pensées morbides : tout est source de tourment. Blâmant les autres, ils repoussent tous ceux qui essayent de les aider.

Niveau 9 : Désespérés, ils se sentent sans espoir et s’autodétruisent, abusant éventuellement de l’alcool ou de drogues pour s’échapper. Dans les cas extrêmes, dépression nerveuse ou suicide sont possibles. Correspondent en général à des troubles de la personnalité du type prostré, dépressif, et narcissique.

Extraits compilés de plusieurs sites sur l'énéagramme