l'homme sans aspérités (en souvenir, en attente, en fin)

l'homme sans aspérités était le père malgré lui du discours.
Il dit toujours « doucement » quand on lui demande s’il va bien.
Il se lève et quitte avec difficulté sa posture fermée, et quand il se déplace avec lenteur, il reste confiné dans ce petit espace qu’il emmène partout avec lui, un rétrécissement, très lisse et sans accident.
Il se dirige vers l’évier pour se servir un verre d’eau, mais il ne vous en proposera pas, (car son rétrécissement est opaque.)
L’eau coule lentement, il scrute les éclaboussures et boit à petites gorgées.
Ensuite il lave et rince le verre, puis lave et rince l’évier, puis essuie le verre, puis tord l’éponge et la repasse dans l’évier, puis il essuie l’évier, puis il essuie l’éponge et prépare le torchon pour la lessive.
Il est temps de retourner s’asseoir.
Il ne répond pas à votre dernière question parce que son rétrécissement est insonorisé.
Nous sommes assis dans ce fauteuil qui épouse nos dos courbés, et nous avons peur de voir notre futur.
Ainsi personne ne passera la main dans les cheveux de cet homme pour les ébouriffer, (car son rétrécissement est trop dense et trop lisse.)
Nous repartons avec une légère nausée due à la pression.
Nous parlons peu, mon frère et moi, et nous nous fuyons du regard.
Nos parents sont nerveux. Ils nous grondent sans raison.
Nous regardons par la fenêtre.
Je rêve que ma vie est en mouvement.

Pendant ce temps, l’homme se pend dans sa garde-robe.

Pas une leçon part#2

Alors un soir tu me demandes de te parler de moi et je te parle.
Alors tu t'endors.
Je continue à parler dans la nuit, je te raconte l'histoire de la leçon de philosophie à voix basse, mes mots se dirigent toujours vers toi mais je les sens flotter dans la pièce, ils ne sont aspirés, absorbés nulle part, ils restent là en suspension comme une ouate filandreuse invisible et abstraite, qui se fait et défait dans un mouvement fluide, au fil de ce qui sort de ma bouche, de ce qui persiste et de ce qui s'évanouit.

"Que c'est petit, ce qu'on a "mis au point". L'exprimable dans la clarté de sa pensée. La névrose obsessionnelle de la pensée claire." (Botho Strauss, lors d'un interview)

Je me rappelle d'un extrait de texte de philosophie que je devais analyser. Un de mes premiers. Je n'y comprenais naturellement pas grand chose, mais je sentais là où l'auteur (Gilles Deleuse) voulait emmener, à vrai dire je ne sentais même pas ça, mais je sentais que pour nous y mener, il lui fallait entrer dans des strates complexes du langage et de la pensée, qui s'éloignent de la possibilité d'être exprimée par son texte, justement. Et au milieu de celui-ci, une phrase se délite pour laisser surgir un groupe de quelques mots presque surréalistes, sans rapport apparent, tous chargés du coup d'une forte puissance évocatrice, ce qui confirmait mon impression: pour nous amener là où il le voulait, plus d'autre choix que de prendre ce risque avec son lecteur: abandonner l'explication au profit de l'évocation, quitte à ce que tout le monde ne comprenne plus la même chose, qu'on lâche le fil du raisonnement pour laisser surgir le sens, moins défini, mais dont les contours incertains convenaient mieux au propos.
À cet instant, où j'ai perçu (ou cru percevoir, mais peu importe) que nous laisser déchiffrer ce rébus allait produire simultanément une multitude de réponses différentes et qu'il allait pourtant se dégager une profonde universalité de celles-ci, les ancrages obsolètes du passé et les projections encombrantes du futur s'évanouirent pour faire place à l'absolu présent de l'émergence.


Je peux me tromper, oui mais je peux me tromper, oui mais tromper le monde, louper le coche, gratter un billet de lotterie, tomber à l'élastique, danser maladroitement sur les quais, me tordre la cheville, poser des rustines, souffler dans une bouteille vide, boire un verre d'eau tous les matins, faire un dessin sur une tache de graisse, confondre, oublier.

Draft.





 




Jeanne d'Arc au troisième degré



Ce mercredi 27, c'était la première de "Jeanne d'Arc au troisième degré " aux Riches Claires, un magnifique texte de Jacqueline Harpman interprété avec fougue et finesse par Émilie Guillaume.
Mise en scène Sylvie Steppé

J'ai fait la création éclairage et musique, les visuels et le dispositif. Voici le teaser des Riches Claires:



Et leur lien:



venez, partagez, voyez...


Dix lames

Avec la douleur constante
Il faut trouver un équilibre 
Entre l' angoissante volonté 
De faire ce qu'il faut 
Pour en finir 
Et l'encombrant besoin
De vouloir encore faire
Encore traverser

Pas une leçon, part#1

Je me suis fait il y a plus de 20 ans de cela d'une leçon de philosophie pendant mes études une véritable leçon de vie. Cette idée s'est développée en moi et a progressivement envahi bien des secteurs de ma personne et de mon existence. Elle portait sur la différence entre sens et signification. En voici l'argumentaire, en résumé: imaginez que vous êtes un(e) espion(ne), et que vous communiquez secrètement avec votre Q.G.; votre dernier message, "la clé des champs ouvre aussi la porte du moulin, le soir tombant" a été bien envoyé et reçu, mais également intercepté par un agent du camp ennemi. Pour votre Q.G., pas le moindre doute, le message est clair, il a une signification, ils savent ce que ça signifie. Pour le camp ennemi par contre, c'est une énigme, mais vous ayant intercepté, ils peuvent être certains pourtant que le message ne se limite pas à une simple histoire de champs de blé et de moulin à vent; ils savent que ça signifie. Cette simple différence de ce ouvre une palette insoupçonnée de conséquences, et une porte vers la plus belle façon -à mon avis- d'envisager l'acte artistique. L'état actif de déchiffrage dans lequel cette absence de ce va forcément plonger l'espion ennemi, cet engrenage de réflexions qu'elle va enclencher est ce qui défini le plus objectivement le moment où l'art s'exprime dans l'échange entre le spectateur et l'œuvre. Alors qu'aujourd'hui on peine tant (et s'excite tellement) à définir et redéfinir des cadres que chacun pretend plus valables que son voisin qui fixeraient un champ objectif de ce qui fait la "valeur" artistique d'une œuvre (la tradition, la valeur marchande, le fait de plaire au plus -ou au moins- grand nombre, le message, la forme, le fond, la quantité de travail, la médiatisation, la reconnaissance publique, la technique, le génie, le hasard, tout le monde y va de son précepte, et au final aucun ne provoque autre chose que du débat, les contrexemples sont à foison dans tous les cas), la mise en évidence de ce moment où l'œuvre fait sens sans signifier pour le spectateur reste une constante lumineuse, chargée de la possibilité d'être différente pour chacun mais universelle pourtant. Votre voisin "peintre du dimanche" peint des roses en bouquet depuis vingt ans, et vous n'y voyez jamais qu'un pot de fleur? Signification. Mais sa femme à chaque fois y déchiffre un mystère dans leur agencement ou leur couleur? Sens. L'art a lieu pour elle, le sens émerge, gonfle, anime son regard et trouble son esprit, comme le votre devant un Picasso. Cette "définition" mobile et dynamique du moment artistique, je l'ai trouvé belle car elle partage également l'art avec tous ceux qui en font, replace l'amateurisme dans son plus beau sens du terme, et rend au spectateur sa part active, lui permettant même de provoquer l'émergence avec son simple regard, une faculté de transformer qui au quotidien possède bien des vertus. Elle a largement influencé ma façon de concevoir l'acte artistique, ma façon d'enseigner, et bien au delà, ma façon d'envisager la vie.





photo par toi
je t aime
parfois mal
toujours fort

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Les vautours branlent les cadavres, les cordes s'usent à sauter, les pinces à linge font des rougeurs parsemées sur les dermes, puis une flopée de boites de conserves trouées, suspendues avec des petites bougies dedans, ça fait accueillant, on baisse un peu la garde, on croit qu'on va manger quelques fruits secs, mais c'est un trompe-l’œil, y a pas la mer, y a pas de jolies filles en granit rose, y a pas de chaud sous les pieds, en fait, il n'y a rien, tout est souvenir ou projection, le présent est archi-vide, et peu présentable, à la rigueur sous forme chiffrée, quelque chose comme 001   0000100 11 0100 11 0 0 012557 88 58 5 8 555 666 9100 11 0 2525100 11 0 0 0125252525 001 010101110011 0 0 0125255 6 9100 11 0 0 01252552525 001 016 55 666 9100 11 0 0 258 58 5 8 525 001 0199 1457101011100 8100 11 0 0 012501 011 0 0101011100 01225025025057 88 58 5 8 555 666 9100 1110199 3 8 7 8787 011100 0 2525110101110000 11 0 0 0125258 58 5 8 52525 001 011 0 0 0128 58 5 8 55201011100001   0000100 11001   0000100 11 0100 11 0 0 012557 88 58 5 8 555 666 9100 11 0 2525100 11 0 0 0125252525 001 010101111 0 0 0125255 6 9100 11 0 0 012501 016 55 666 9100 11 0 0 258 58100 1000 101 5 8 525 001 0199 145710101110 0100 11 0 0 012557 88 58 5 8 66 9100 11 0 2525100 11 0 0 0125252525 001 0101 0 0 0125255 6 9100 11 0 0 015 001 016 55 666 9100 11 0 0 258 58 5 8 525 0101110 0 0 01252525 8 58 5 8 555 6669100 11 0 01 01 857 88 58 5 8 555 60 2525 001 01101011100 857 88 566 9100 11 0 00 1 1 0000  011 0 10.
On peut trouver une suite, le contraire eut été dommage pour le présent, mais comme elle ne fera plus partie de celui-ci, et que sur cet intervalle il sera déjà devenu obsolète, on peut juste se souvenir de ce qu'on aura déduit. Ou alors vomir, pisser et chier, hurler, griffer et mordre, aimer baiser pleurer; un tas de trucs qui larguent les amarres, pour tout dire. (Et rien dire)

je vais rarement plus loin que le coin de ma rue, mais

«Voyageur, il n'y a pas de chemin; le chemin se fait en marchant.»
– Antonio Machado