65%

Parfois
Sous la douche
Je rentre sous la douche
Puis je reste sous la douche
Trop longtemps
L'eau de plus en plus chaude
Jusqu'aux frontières 
De ce que la nuque supporte
Encore longtemps après 
Je me dis encore un peu
Je me dis nous sommes de l'eau
Je me dis je change mon eau
Ou je l'active
Ou je la modifie
A rester là sous la douche
Si longtemps

Dans le fond

La question de la nuit à l'âne

Peut-on battre le skieur en neige?

Huit craquements

1- nus pour la vie
2- nus contre l'envie
3- défaits dans l'air glacial
4- marcher sur ses genoux, dans l'air glacial
5- râper sa peau jusqu'aux os, sortis ainsi de nos corps
6- vomir toute l'organique mixture, sortie ainsi de nos corps
7- enveloppe vide et molle sur le plancher, une fois le tout sorti de nos corps
8- nos corps où la vie est mois chair.

nous sommes un


tout ce qui se défait
tout ce qui balance
tout ce qui expire
tout ce qui trouble

faire l'amour dans le bois


I m

in straight sound connection with the air,

sensitive to waves thru the skin,

receptive to the slightest touch of variation,

electronically translucent.


l'homme sans aspérités (en souvenir, en attente, en fin)

l'homme sans aspérités était le père malgré lui du discours.
Il dit toujours « doucement » quand on lui demande s’il va bien.
Il se lève et quitte avec difficulté sa posture fermée, et quand il se déplace avec lenteur, il reste confiné dans ce petit espace qu’il emmène partout avec lui, un rétrécissement, très lisse et sans accident.
Il se dirige vers l’évier pour se servir un verre d’eau, mais il ne vous en proposera pas, (car son rétrécissement est opaque.)
L’eau coule lentement, il scrute les éclaboussures et boit à petites gorgées.
Ensuite il lave et rince le verre, puis lave et rince l’évier, puis essuie le verre, puis tord l’éponge et la repasse dans l’évier, puis il essuie l’évier, puis il essuie l’éponge et prépare le torchon pour la lessive.
Il est temps de retourner s’asseoir.
Il ne répond pas à votre dernière question parce que son rétrécissement est insonorisé.
Nous sommes assis dans ce fauteuil qui épouse nos dos courbés, et nous avons peur de voir notre futur.
Ainsi personne ne passera la main dans les cheveux de cet homme pour les ébouriffer, (car son rétrécissement est trop dense et trop lisse.)
Nous repartons avec une légère nausée due à la pression.
Nous parlons peu, mon frère et moi, et nous nous fuyons du regard.
Nos parents sont nerveux. Ils nous grondent sans raison.
Nous regardons par la fenêtre.
Je rêve que ma vie est en mouvement.

Pendant ce temps, l’homme se pend dans sa garde-robe.

Pas une leçon part#2

Alors un soir tu me demandes de te parler de moi et je te parle.
Alors tu t'endors.
Je continue à parler dans la nuit, je te raconte l'histoire de la leçon de philosophie à voix basse, mes mots se dirigent toujours vers toi mais je les sens flotter dans la pièce, ils ne sont aspirés, absorbés nulle part, ils restent là en suspension comme une ouate filandreuse invisible et abstraite, qui se fait et défait dans un mouvement fluide, au fil de ce qui sort de ma bouche, de ce qui persiste et de ce qui s'évanouit.

"Que c'est petit, ce qu'on a "mis au point". L'exprimable dans la clarté de sa pensée. La névrose obsessionnelle de la pensée claire." (Botho Strauss, lors d'un interview)

Je me rappelle d'un extrait de texte de philosophie que je devais analyser. Un de mes premiers. Je n'y comprenais naturellement pas grand chose, mais je sentais là où l'auteur (Gilles Deleuse) voulait emmener, à vrai dire je ne sentais même pas ça, mais je sentais que pour nous y mener, il lui fallait entrer dans des strates complexes du langage et de la pensée, qui s'éloignent de la possibilité d'être exprimée par son texte, justement. Et au milieu de celui-ci, une phrase se délite pour laisser surgir un groupe de quelques mots presque surréalistes, sans rapport apparent, tous chargés du coup d'une forte puissance évocatrice, ce qui confirmait mon impression: pour nous amener là où il le voulait, plus d'autre choix que de prendre ce risque avec son lecteur: abandonner l'explication au profit de l'évocation, quitte à ce que tout le monde ne comprenne plus la même chose, qu'on lâche le fil du raisonnement pour laisser surgir le sens, moins défini, mais dont les contours incertains convenaient mieux au propos.
À cet instant, où j'ai perçu (ou cru percevoir, mais peu importe) que nous laisser déchiffrer ce rébus allait produire simultanément une multitude de réponses différentes et qu'il allait pourtant se dégager une profonde universalité de celles-ci, les ancrages obsolètes du passé et les projections encombrantes du futur s'évanouirent pour faire place à l'absolu présent de l'émergence.


Je peux me tromper, oui mais je peux me tromper, oui mais tromper le monde, louper le coche, gratter un billet de lotterie, tomber à l'élastique, danser maladroitement sur les quais, me tordre la cheville, poser des rustines, souffler dans une bouteille vide, boire un verre d'eau tous les matins, faire un dessin sur une tache de graisse, confondre, oublier.

Draft.